De "la bonne distance"... à une posture professionnelle différenciée
De "la bonne distance"... à une posture professionnelle différenciée
Extrait de la revue Sémaphore de juin 2023
Cet article est une histoire de rencontres et la rencontre d’histoires. Tout d’abord, celle entre chacune de nous, autrices et professionnels de la relation d’aide médico-sociale. C’est avec intérêt que nous les avons accompagnés dans leurs questionnements sur leurs positionnements professionnels. Ensuite, il y a eu notre rencontre, celle de Véronique et Samantha, facilitée par Béatrice (directrice de Forsyfa de 2008 à 2021) qui connaissait et partageait notre intérêt commun pour la question de la distance relationnelle. Dans cet intérêt commun se cachait un deuxième point de convergence : notre histoire respective de filles qui nous a appris à grandir dans une famille enchevêtrée tout en cherchant à faire respecter nos besoins individuels. Car c’est une vraie question existentielle, au sens systémique du terme, que d’appartenir tout en étant différencié, et un long cheminement aussi... Par prolongement, c’est une question éthique que de porter attention à ce niveau de différenciation dans les relations d’accompagnement. Les rencontres se sont poursuivies avec les professionnels que nous souhaitons remercier ici. C’est courageux, en effet, de parler de soi dans l’accompagnement plutôt que de parler des familles. C’est courageux d’être à l’écoute de soi, d’accueillir ce qui se passe corporellement et émotionnellement, dans ces points d’intersections entre nos histoires et celles des personnes accompagnées, pour en faire des leviers d’intervention. Si certains professionnels nous ont parlé de « bonne distance » et d’autres de « juste proximité », nous souhaitons proposer, à l’issue de ce cheminement avec elles et eux, celle de posture professionnelle ajustée au regard d’un contexte.
Auteur :
Samantha BOSMAN et Véronique LE MANSEC-PILLIN
Intervenantes systémiques, formatrices, superviseures, à Forsyfa - Nantes et thérapeutes familiales en consultation
Le champ de la médecine s’est beaucoup intéressé à la relation soignant/soigné et à la relation thérapeutique plus globalement, incluant immanquablement la notion de distance professionnelle. Cette question traverse le temps car dès l’Antiquité, Hippocrate – celui-là même qui a donné son nom au serment qui inspire éthiquement nos médecins d’aujourd’hui – rappelle qu’il faut prêter une attention particulière à la manière de s’adresser aux malades et de s’asseoir en face d’eux. Il va jusqu’à préconiser l’utilisation de sièges à hauteur égale afin que médecin et patient soient au même niveau. Nous entrevoyons là déjà la préoccupation d’Hippocrate de l’utilisation de l’espace (position et symétrie) au service de la relation de soin (Geadah, 2012).
Depuis Hippocrate, de nombreux praticiens se sont emparés de cette question qui est encore très actuelle et dont il ne s’agira pas, dans cet article, de faire une revue de littérature. Il ne sera pas question non plus de faire un catalogue des bonnes pratiques. Nous souhaitons proposer ici une réflexion sur la posture professionnelle, et ce dans une perspective systémique. Nous allons donc nous intéresser à la relation d’accompagnement plus généralement, que celle-ci soit médicale ou sociale.
À la relation d’aide, nous préférerons le terme de relation d’accompagnement. La relation d’aide pourrait en effet amener à s’attacher à l’aide plus qu’à la relation, l’aide relevant alors du contenu, entendu généralement au sens d’une compétence technique. Dans cette posture de l’aide, nous pourrions entrevoir le risque de « faire à la place ». L’intervenant, alors expert en solution, viendrait se substituer à la personne accompagnée.